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Encore raté

  • Photo du rédacteur: Camille Sorel
    Camille Sorel
  • 7 mai 2023
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 24 juin 2023


Je suis fatiguée des humains et encore plus des hommes. J’ai bossé comme une folle pour boucler un roman et les grands jours d’écriture, j’ai usé sans mesure des rencontres libertines afin de dégourdir mon corps. Le manuscrit est parti chez mon éditrice et en attendant son verdict, j’ai besoin de silence, de solitude et de nature. Une chambre m’attend dans un gîte de montagne à deux heures de chez moi.


Arrivée tôt au village, j’achète un pain de campagne, un bocal de pâté et un morceau de fromage. Je fourre tout dans mon sac à dos et marche vers la cascade qui se fracasse bruyamment au-dessus du village. C’est la randonnée grand public du coin, la vue immanquable soi-disant accessible à tous. C’est peut-être facile pour un vigoureux ariégeois mais pour une fille qui ne foule le macadam que les jours de shopping, ces huit cents mètres de dénivelé s’apparentent à l’Everest. Il m'a fallu quatre heures pour faire l’aller-retour.


Je m’assois sur un rocher au soleil face au ruisseau local pour déguster mon pique-nique à la pointe de l’Opinel. J’ai rempli ma gourde à la fontaine. Ici, c’est une ancienne station thermale. On y retrouve les traces d’un luxe abandonné. Les volets du Grand Hôtel sont définitivement fermés, le kiosque du parc tombe en ruine et les trottoirs de l’unique rue sont recouverts de fougères. On ne croise plus que les rares habitants et quelques randonneurs.


Je n’ai pas toujours été citadine. Je viens d’ici. Ma mère maintenait en vie un modeste centre équestre, proposant des balades à dos de petits chevaux rustiques aux pattes épaisses. Ce village au bout de la vallée, c’est le jardin de mon enfance. Ma mère est partie et je n’y suis plus chez moi aujourd’hui. Je frapperai demain à quelques portes pour voir s’il reste tout de même quelqu’un à embrasser.


Mes bras et mes cuisses ont tourné à l’écrevisse. Ici, le soleil mord les chairs et j’ai cramé comme une touriste. Vite, de l'ombre. Je ramasse mon sac et marche vers le gîte. Un type de la station de ski a acheté le lieu et tout rénové de ses mains, je suis curieuse de voir ça.


Je n’ai emporté que des fringues sommaires, des carnets, des stylos, deux bouquins. Je désire faire un point sur ma vie. Une sorte de bilan pour prendre des résolutions, comme au premier de l’An. Je grimpe un peu trop vite le raidillon qui mène au gîte et j’arrive hors d’haleine, avec mon short trop grand, mes vieux godillots de trek, un débardeur trempé de sueur collé sur mes seins nus et les cheveux relevés à l’arrache. Un homme vient à ma rencontre. Yeux blonds éclairant un visage tanné, cheveux décoiffés et surtout, belles mains. Grandes, puissantes, noueuses. Ce genre de main qui t’embarque, te retourne, te soulève. Il regarde mes seins sans se dissimuler et je me sens comme une brebis détaillée par l’éleveur.


Ma volonté s’éteint, je veux juste qu’il m’attrape.


Ma raison proteste. Ida, ce n’est pas possible, tu baises trop. C’est vrai, je ne dis jamais non. Sans le regard des gens bien, ceux qui poussent droit et font les choses dans l’ordre, ma vie me plairait presque mais là, je devrais faire un choix. Mes écarts se remarquent. Certains amis s’éloignent, je ne suis plus fréquentable, on évite de trainer avec moi. Quant à mes proches, après avoir compati – j’étais sûrement folle – ils assument leur honte.


Je ne sais ni cloisonner ni mentir. Si tu prends de mes nouvelles je peux te débiter que j’ai mal au cul pour cause d’amant trop brusque. Je ne crois jamais qu’un homme m’embrassant puisse me faire du mal. Je les laisse filmer avec leur téléphone portable, en gros plan, de ma chatte pilonnée à mon visage tordu de débauche. Et puis c’est publié et je l’apprends trop tard. Ma famille, je leur ai fait vivre le pire l’été dernier. C’était avec mon cousin, une histoire d’amour aussi brève qu’intense. Fous de bonheur, on s’est affichés partout, nous tenant par la taille. On s’échappait des fêtes pour baiser dans les coins. Pour eux ce fut le coup de grâce.


Et pourtant baiser avec mon cousin n’était rien. Je viens d’aller trop loin. J’ai failli y rester. A ne jamais dire non j’ai sombré dans le morbide avec un vrai sadique. Un éclair de raison ou un élan vital, quelque chose m’a sauvée. Au couteau sous la gorge, j’ai bâclé mon roman et suis venue ici. Le bel hôte n’était pas prévu.


La saison n’a pas encore commencé et je suis la seule cliente du gîte. Il me montre la cuisine, les douches, ma chambre. Je le talonne, sens en alerte et cerveau à l’arrêt. Son odeur de mâle me vrille le ventre. Ça doit se voir parce que d’un coup, il se tourne, me pousse contre un mur, attire mon visage vers le sien et colle sa bouche sur la mienne. L'instant d'après il empoigne mon sein et passe sa langue entre mes dents. C’est bref. Il veut juste sceller l’accord. Il dit : « On se retrouve plus tard » et me laisse là.


Je prends une douche et m’allonge sur un lit. Je lis, je somnole, je descends à la cuisine grignoter des fruits secs. Ça ne me gêne pas de l’attendre. Je suis dans le jardin à observer les étoiles incroyablement brillantes lorsque le bruit de ses pas attire mon attention. Sur la route, deux foulées, un choc sec. Dans l’herbe du jardin, des bruissements lourds. Et tout près, dans l’allée, derrière moi, à nouveau l’impact métallique. Je ne me retourne pas. Il me frôle, je sens la chaleur de son corps et son souffle près de mon oreille.


- Tourne-toi.


J’obéis. Lui ne s’est pas changé. Il a dû marcher loin, il sent l’air vif. C’est son bâton de marche qui cogne sur le sol.

Il n’est pas bavard. Il soulève mon tee-shirt et je comprends que je dois le retirer. Me voilà seins nus dans un jardin de curé en montagne. Que n’aurais-je pas fait pour une queue bien chaude ?


- Enlève tout.


J’obtempère. Je ne pense qu’au moment où j’ouvrirai sa braguette, c’est ça qu’il voudra en premier. Quand je l’aurai bien sucé, quand il m’aura prise bien fort et qu’il aura joui en me traitant de pute, il se relaxera et je pourrai poser ma tête sur son torse haletant. Ça, j’en ai très envie. La randonnée m’a fatiguée. J’ai envie de dormir avec lui. Je me ferai invisible, je respirerai à peine et ne bougerai pas. Je lui donnerai tout le cul qu’il désire en échange d’une nuit dans son lit.


- Suis-moi.


Il est bizarre, quand même.

On va vers une dépendance au fond du jardin. Lui, toujours habillé et moi entièrement nue. Je marche sur un chardon et m’accroche à son bras, cela ne lui plaît pas. Il repousse ma main d’un geste sec. J’ai froid et j’ai mal aux pieds mais je ferme ma gueule. Vivement qu’il me baise. Je veux ses grandes mains, la muqueuse soyeuse de son sexe bien dur, les poils sur sa poitrine, sa langue dans ma bouche. Il attrape une corde accrochée près de la porte.


- Tes mains.


Là, j’hésite. Il commence à me faire peur. Je pense à mon sadique. Il commençait pareil. D’ailleurs, tous les Maîtres auto-proclamés commencent pareil. Mais bon sang, pas un gardien de gîte au fin fond de l’Ariège !


- Tes mains, j’ai dit.

- Je crois que…

- Tais-toi, tu ne crois rien, tu t’es vue ? J’ai juste un mot à dire et tu te fous à poil.


Ça suffit, je me barre.

Il m’attrape par les cheveux et les tire en arrière. Je m’affaisse, il m’amène vers le sol la tête la première. Et merde, ça recommence. Je connais. C’est le moment de crier, me débattre, dire non, quelque chose. Mais je me tais, je vois tout, je sais très bien.


Ma tempe heurte la pierre, un chatouillis tout chaud vient caresser ma peau. C’est mon sang et je n’ai pas mal. Je veux me redresser et regarder mon agresseur en face. Il ne le supporte pas et c’est mon nez qui s’écrase, cette fois. Là, j’ai mal. Super, je saigne en trois points : la tempe et les narines. Il attrape mes poignets et les attache ensemble dans mon dos comme il le voulait au début. Les mecs violents, vous êtes si conventionnels. J’ai tout compris, je connais cette histoire, il n’y a plus qu’à attendre que Monsieur joue sa scène.


Il rehausse mes poignets pour me relever. Je fais ce que je peux pour tenir sur mes jambes mais je suis pliée en deux. Mon nez ensanglanté produit des gargouillis, comme une chatte bien mouillée. Je suis sûre que c’est ce qu’il pense. Qu’il sorte sa bite et m’encule à sec, j’ai l’habitude. Je ne broncherai pas, histoire qu’il se finisse en paix. Mais non. Il veut quoi ? Il me remorque dehors et attache la corde qui retient mes mains à un tronc d’arbre.


- Si tu gueules je te crève, tu as compris ?


Moi je tiens à mes dents, j’acquiesce de la tête.


Il lève son bâton, celui au bout de fer et je sors de mon corps. J’entends les coups de loin, je me vois me tordre, onduler, m’enfoncer. J’ai juste assez de conscience pour savoir qu’il ne rompt pas mes os, pas encore. J’attends que ça finisse, c’est long, j’ai sommeil. Même plus froid. Je commence à rêver. Je suis enfant, ici même, et c’est bien. Il frappe surtout mon dos, je crois qu’il veut marquer. Je lui laisse mon corps et évade mon âme, qu’il finisse sans moi.


Je me réveille dans la chambre préparée pour moi ce matin. Un grand soleil illumine les rideaux et ça sent le café. J’ai mal partout, le nez brisé et ne peux plus bouger. La pièce est vide. Sur la chaise devant moi, mon sac a disparu. A la place, posé en travers comme une cicatrice : le bâton.

9 Comments


yafab40241
May 23

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Eron Finch
Eron Finch
May 07

There's something timeless and sensory about this piece — the way scent, memory, and space all blend into one fleeting morning. It reminded me how powerful atmosphere can be, much like how Delicious Food Co. office catering creates moments that linger beyond taste — thoughtful, intimate, and beautifully arranged.

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Chris Moore
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May 05

Null’s Brawl 2025 often includes exclusive or custom skins that aren’t available in the official version, adding a fresh and exciting twist to gameplay. Every brawler, including new and unreleased ones, is available from the start. You don’t need to wait for updates or reach certain levels to enjoy your favorites.

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James William
James William
Mar 24

"Your story beautifully captures the solitude and nostalgia of returning to a place that once felt like home. The way you describe the village, its fading charm, and your personal journey resonates deeply. Sometimes, an escape into nature is the only way to reset the mind. On a different note, for those looking to escape into a virtual world, nuls brawl offers an exciting alternative with its unique features and endless fun."


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James William
James William
Mar 17

"Prendre du recul et s’accorder du temps pour soi est essentiel après un tel investissement créatif. La solitude et la nature sont souvent les meilleurs remèdes pour se ressourcer. D’ailleurs, dans le domaine du digital, optimiser son espace de travail et automatiser certaines tâches peut aussi permettre de mieux gérer son temps et son énergie. Des solutions comme World Digitalized Solutions aident les entreprises à se concentrer sur l’essentiel en proposant des outils innovants.

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